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Un conte de Noël
13/12/2021

Lisez en famille un conte de Noël

IL N’AIMAIT PAS NOEL

Julien déteste les fêtes de Noël. Dès qu’arrive décembre, il se renfrogne et s’enferme dans un silence hostile.

Tout l’énerve, l'exaspère dans cette fête populaire.

Mais  pourquoi donc cette haine dans le fond de son être ?

Qu'est-ce que Noël lui avait donc fait ?

 Peut-être était-ce juste parce que ses parents eux-mêmes n’avaient jamais fêté Noël…

 par indifférence,

 par non-conformisme

 pour ne pas céder à l’instinct grégaire…

Y avait jamais eu de sapin illuminé chez lui, pas de guirlandes non plus, pas de cadeaux, pas de crèches avec l’âne, le bœuf et le petit Jésus.

Son père méprisait cette « cette légende commerciale », il disait que « c’était la plus belle arnaque de l’année ! ». Quant à sa mère,  elle ne contredisait jamais son mari.

Bien sûr, quand le petit Julien y  voyait ses copains pédaler le 25 décembre sur des vélos tout neufs, ou se poursuivre déguisés en indiens, en cow-boys ou en pirates, il ressentait un pincement au cœur, mais  se disait alors, qu’il appartenait à une espèce différente et supérieure.

On se console comme on peut !

Aujourd’hui, à 21 ans, Julien vit toujours avec ses parents. Il poursuit de brillantes études et déteste Noël.

Donc, cette fois encore, pas de réveillon en famille. Juste un simple repas morose et banal. Faire semblant d’ignorer que toute une population, ce soir, essaie d’être heureuse.

Le café avalé, Julien salue ses parents et va faire un tour en ville. Mais très vite, l’atmosphère joyeuse à laquelle il refuse de participer, l’accable. Toutes ces lumières, ces musiques kitchs, ces faux père-Noël escaladant les maisons, ces affiches racoleuses aux portes des magasins, ces rires bruyants lui donnent la nausée. Une petite vieille  ose même lui crier en passant : « Joyeux Noël, jeune homme ! » Il pourrait l'assommer avec plaisir.

Il avance les mâchoires serrées, les poings crispés au fond des poches, refusant de voir le ciel étoilé au-dessus de sa tête.

Il croise un chien famélique,

un mendiant rebelle.

Il les salue, fraternel. Ceux-là, au moins, n’ont pas l’air content.

Soudain, il aperçoit une petite fille mal habillée, devant une vitrine. Elle regarde une poupée toute simple, mais qui sourit d’une si gentille façon, qu’elle ne peut en détacher son regard. Julien l’a souvent rencontrée cette fillette avec son petit frère qui lui tient la main de toutes ses forces. Elle habite un immeuble insalubre, une espèce de squat qu'on appelle le château des pauvres. Des dizaines de miséreux s’y entassent, venus d’on ne sait d’où.

Réfugiés, sans-papiers, mal aimés, ils survivent.

Julien, l'espace d' un instant, pense donner de l’argent à la petite fille pour qu’elle s’achète la poupée, mais il se reprend, honteux, et s’enfuit à longues enjambées.

Y va quand même pas jouer au père-Noël ! Non…

Julien  marche sans savoir où il va. Il est en train de sortir de la ville.

La-bas, au loin, une masse sombre attire ses yeux.

Un hangar avec un toit lourd,

sans forme précise, sans beauté, sans recherche,

un simple hangar désaffecté.

Jadis, il a dû servir d'entrepos pour  des marchandises.

Aujourd’hui, ouvert à tous les vents, il ne sert plus à rien…

sauf, peut-être, à recevoir quelques bohémiens égarés.

Julien s’avance vers une espèce de grille aux barreaux tordus et rouillés. Il entre et découvre au milieu de vieilles machines abandonnées, des annuaires de téléphone déchirés, des détritus de toute sorte, il découvre un petit enfant qui dort sur un tas de chiffons.

Allongés près de lui, sur une vague couverture, un homme et une femme chuchotent et regardent Julien, sans surprise, sans inquiétude. Ils sont pauvres et misérables. Pourtant, on dirait des princes en exil. « En voilà qui font semblant d’être pauvres, pense Julien, visages de seigneurs, habits de miséreux. » L’enfant, tout à coup, ouvre les yeux et  regarde Julien d’un air grave. Une lampe à pétrole éclaire la scène.

L’homme, le père murmure quelques mots dans une langue inconnue et propose une tasse de café à Julien qui hésite, puis accepte. La femme, la mère frissonne. Elle porte une simple veste trop légère. L’homme qui semble insensible au froid, veut l’entourer d’une vieille étoffe trouvée par terre pour la protéger du vent qui s’engouffre parfois en rafales glacées dans le hangar.

Elle repousse doucement le geste de son mari.

Alors Julien enlève son manteau et le pose sur les épaules de la jeune femme qui accepte en souriant. L’homme remercie en inclinant la tête.

Julien, alors, s’allonge à même le sol et s’endort transi de froid, épuisé mais loin des bruits de ce Noël qu’il déteste.

Au petit matin, il se réveille, seul. Son manteau le recouvre, les parents et l’enfant ont disparu.

Le jour s’est levé.

Julien fait quelques pas dans le hangar et s’arrête devant une immense porte. Elle résiste un instant puis cède brusquement. Julien découvre alors une montagne de jouets, tous plus beaux les uns que les autres, jetés ça et là, en vrac, sur le sol, sur des tables, partout.

Que s’est-il passé ? A qui étaient destinés ces jouets ? Peut-être, a-t-on fermé l’usine, en catastrophe ? Et chacun s’en est allé, laissant tout derrière lui, depuis des mois, des années… Allez savoir ! Julien se promène ébloui comme un enfant dans une caverne d’Ali Baba. Soudain, il aperçoit la poupée au sourire si gentil  qui enchantait la petite fille devant la vitrine, la petite du château des pauvres.

Alors, une inspiration s’empare de lui, fulgurante. Il se précipite au dehors, se met à courir en direction de la ville, monte quatre à quatre les escaliers qui mènent à l’appartement familial,  emprunte les clefs de la voiture et parcourt en quelques instants le chemin qui le ramène au hangar abandonné.

A peine arrivé, il se met au travail. Il remplit sa voiture de poupées, de ballons, de camions, de jeux de construction, de livres d’images.

Inlassable, il va, il vient, comme possédé par la joie de ravir un trésor. Sa besogne terminée, il se précipite au château des pauvres. Il frappe à toutes les portes et offre à tous les enfants émerveillés ces jouets tombés du ciel.

Ensuite, il retourne au hangar, pour un deuxième chargement, puis un troisième.

Tant qu’il reste des jouets, il revient, insatiable. Il veut tout prendre et tout donner.

Enfin le soir, il rentre chez lui. Sa mère l’attend, inquiète.

« D’où viens-tu Julien ? Tu es noir de poussière. Pis comme tu as chaud ! » 

Il ne répond pas. Elle insiste. « Mais qu’as-tu fait, Julien, depuis hier soir ? »

Alors, il la prend dans ses bras et, doucement, tendrement, il murmure :

« J’ai distribué tous les jouets que je n’ai jamais reçus, à Noël. »